On se plaint souvent du racisme des supporters, lisez cette histoire vue dans le Journal de Saône et Loire du mercredi 15 mars ( www.lejsl.fr )
Enquête de gendarmerie dans le milieu du football à Mesvres
Le racisme ordinaire explose dans une affaire qui vient à peine d'éclore
Entraîneur du RS Mesvres, Houari Mefroum porte plainte pour injures raciales. Il veut faire éclater le racisme ordinaire au grand jour en dénonçant une situation qui l'a poussé à la dépression.
Que se passe-t-il au Réveil Sportif de Mesvres ? L'entraîneur est en arrêt de travail à la suite d'une dépression nerveuse. Le président a démissionné à la suite d'une assemblée générale extraordinaire. Et, aujourd'hui, les gendarmes enquêtent dans l'environnement du club à la suite d'une plainte contre X pour « injures publique envers un particulier en raison de sa race, de sa religion ou de son origine par parole ».
Tout commence en juillet 2005. Franck Rémont, alors président du Réveil Sportif de Mesvres, décide, après consultation, de proposer un contrat d'un an à Houari Mefroum, entraîneur-éducateur diplômé (BE1), afin d'encadrer les équipes séniors et les féminines. Dans ses valises le Torcéen emmène cinq joueurs qui ont pour vocation d'amener des arguments supplémentaires à l'équipe promue du RSM.
Très rapidement le climat semble difficile. Pour preuve, l'ensemble des nouvelles recrues ne passera pas l'automne. Un problème visiblement « d'acclimatation » explique Franck Rémont avec retenue. Pour Houari Mefroum c'est aussi le début d'une longue descente aux enfers. « J'entendais des insultes derrière la main courante les jours de match à domicile » explique-t-il, mais il fait le dos rond en espérant que la situation allait tourner à son avantage. Mais ce qu'il ne sait pas encore c'est qu'au sein même de son effectif des voix s'élèvent avec des arguments plus que contestables.
« Je crois qu'il a vraiment pris conscience de la situation lorsqu'il a entendu certains propos émanant du vestiaire alors qu'il était derrière la porte » explique un joueur du RSM. Mais c'est lors d'une assemblée générale extraordinaire convoquée par le président, le 28 janvier dernier, que le dérapage le plus spectaculaire est intervenu si l'on en croit les différents témoins présents.
Alors qu'il s'agissait de retrouver de la sérénité autour de l'équipe fanion, peu assidue aux entraînements et visiblement un peu en retrait sur le plan sportif, les résultats n'étant pas au rendez-vous, le malaise allait éclater au grand jour. « Je souhaitais percer l'abcès » explique Franck Rémont. En fait d'abcès il allait faire émerger des propos condamnables.
Si on en croit un témoin, en l'occurrence Pascale Aspromonte, on aurait entendu dans la salle cette phrase lourde de sens : « on ne veut pas de bougnoule à Mesvres ». L'entraîneur était ainsi sur la sellette mais sur un terrain inapproprié. « On reprochait à Houari ses absences lors de certains matches ce qui n'est pas toujours simple lorsque l'on organise le travail de trois équipes. Il y avait peut-être des efforts à faire même si de leur côté les joueurs étaient absents à l'entraînement. Mais là j'ai été outré par les propos tenus ».
Franck Rémont ne désarme pas pour autant. Dès le vendredi suivant, le président décide de rassembler les joueurs et l'entraîneur pour une mise au point.
Mais là encore, si l'on en croit Houari Mefroum les événements se précipitent « J'ai eu peur pour ma vie. Les joueurs étaient agressifs. Et là j'ai craqué ». Cauchemars à répétition, perte du sommeil, tension permanente. après avoir fait le dos rond pendant plusieurs mois Houari Mefroum doit être placé en arrêt de travail par le médecin.
Aujourd'hui encore, il est sous le choc. Pour autant, il a décidé d'aller affronter ses démons en poussant les portes de la gendarmerie.
Une plainte est déposée et l'enquête est en cours. « Nous avons déjà procédé à des auditions et nous commençons à y voir plus clair » explique-t-on du côté de la gendarmerie qui souhaite boucler rapidement l'enquête préliminaire. « Une fois que nous aurons récupéré l'ensemble des éléments nous soumettrons le dossier au parquet » qui aura ensuite la possibilité d'ouvrir une information judiciaire si les éléments sont suffisants.
Le maire de Mesvres, lui, se dit surpris. Et visiblement, malgré la présence de l'adjoint aux sports lors de cette assemblée générale extraordinaire, on n'a pas noté de débordement verbal.
Les instances du football ont elles pris très au sérieux cette situation. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) également.
Elle compte même intervenir directement auprès du ministre des Sports. De son côté, le club Convergences qui soutient la démarche de l'ex entraîneur affirme qu'elle se portera partie civile si le procureur de la République décide de poursuivre.
Quant à Franck Rémont il a démissionné de la présidence du RS Mesvres : « c'est une histoire de couleur de peau, voilà tout. Moi je n'avais rien à reprocher à Houari Mefroum ». « ce que j'attends de l'enquête » explique le Torcéen aujourd'hui toujours en arrêt de travail, « c'est que cette minorité raciste et xénophobe soit sanctionnée ».
Philippe Hadef