Extrait du Journal de Saône et Loire, édition numérique du samedi 10 décembre
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Quand le Louhannais Djeffrey Diolot signait en D5 anglaise
En 2012-2013, alors âgé d’à peine 20 ans, Djeffrey Diolot, l’actuel gardien de Louhans-Cuiseaux, s’était engagé avec le club de Wroxham, pensionnaire de 5e division anglaise. Pour saisir une opportunité et découvrir un championnat étranger. Il n’y restera que quelques mois, la faute à un désaccord contractuel, mais en garde quelques bon souvenirs et plusieurs enseignements près de dix ans après.
Djeffrey, racontez-nous comment à 20 ans, vous avez eu cette possibilité de signer en D5 anglaise ?
A l’époque, j’étais gardien remplaçant à Drancy, j’alternais entre les U18 et la réserve, tout se passait bien pour moi. Et en juillet-août 2012, j’ai l’opportunité d’aller en Angleterre, à Wroxham, à 20 minutes de Norwich. J’avais un ami là-bas, Claudio Langlois, avec qui j’avais commencé le foot à Garges-les-Gonesse puis au centre de formation du football de Paris. Il a fait un an avec moi à Drancy et après est allé là-bas. Il me racontait comment était l’ambiance, que ça se passait bien pour lui, et que le coach cherchait un gardien. Leur cellule de recrutement est rentrée en contacts avec moi. Je suis allé faire une semaine d’essai qui s’est bien passé et quand je suis rentré à Drancy, je leur ai dit que j’ai cette opportunité de signer en D5, d’apprendre la langue et de continuer mes études en parallèle à distance.
Comment se sont déroulés vos premiers pas là-bas ?
J’ai joué quelques matches de prépa et j’ai fait le début de saison. C’était une poule de 24. On jouait tous les 2-3 jours, mardi et samedi. En prépa, on avait joué contre la réserve de Norwich U23. A cette époque, Norwich évoluait en Premier League, j’avais dû rentrer en deuxième mi-temps et on avait fait match nul. Mais c’était un grand changement pour moi. Du tout au tout. Wroxham, c’est un petit village, même pas plus grand que Louhans, heureusement qu’il y avait Norwich à côté. Et puis là-bas, le système est professionnel jusqu’en D5, mais niveau formation, ce n’est pas des centres, c’était des familles d’accueil. On était ensemble avec mon pote chez un couple, dans une maison avec salle de jeu, piscine, etc. ça changeait de mon quotidien. On était nourri, logé, blanchi. Il fallait manger la cuisine anglaise (rires). C’est la première fois que je touchais mon salaire par semaine. Mais certaines factures étaient aussi prélevées à la semaine, il fallait s’adapter. Il y avait aussi la barrière de la langue. Je ne parlais pas du tout l’anglais. Pour échanger avec le staff et les joueurs, c’était compliqué au début. Mais ça n’a pas freiné mon intégration. Au bout d’un mois, j’arrivais à m’exprimer et à me faire comprendre. Les gens dans le club étaient très gentils. Apres niveau rythme c’était très intense. Physiquement, les séances étaient très dures. On se retrouvait par petit groupe de 8-12 sur un effectif de 32, avec le préparateur physique, on allait faire les séances dans des grands buildings, les infrastructures étaient incroyables. Je crois que c’est là-bas que j’ai dû prendre le plus de masse musculaire. On faisait au moins deux 2 séances en salle entre les deux matches. On allait s’entraîner sur un grand complexe avec plein de terrains. On pouvait séparer les terrains en 3. C’était des vrais billards.
Wroxham Football Club
Le Wroxham Football Club est un club basé à Wroxham, dans la region du Norfolk, dans l’Est de l’Angleterre. Le club a été fondé en 1892 par un certain George Preston. Il évolue dans le stade de Trafford Park. Ses joueurs sont surnommés les Yachtsmen. Wroxham est aujourd’hui membre de la division nord de la ligue isthmique, en 5e division. Il est aujourd'hui managé par un dénommé Jordan Southgate.
Vous avez aussi découvert le football anglais, pas réputé pour être tendre avec les gardiens ?
« Le coach des gardiens m’avait prévenu. Là-bas, les fautes sur le gardien ne sont pas sifflées. Après, j’aimais bien le duel, ça ne m’a pas dépaysé. J’ai juste été surpris par l’engagement physique. Les arbitres ne sifflaient rien, même pas des fautes de boucher (rires). On avait un milieu de terrain dans l’équipe qui s’appelait John, ses tacles, c’était waouh ! Après, j’étais le plus jeune des trois gardiens, il y avait des mecs plus vieux devant moi en défense, mais ça me n’a jamais gêné. J’avais déjà vécu la même chose à Drancy. Ça ne me changeait pas trop. Ce qui m’a vraiment surpris, c’est l’intensité et l’impact physique. Les matches étaient beaucoup plus hachés. C’était vraiment du combat. »
Avez-vous également ressenti l’atmosphère particulière des stades anglais ?
« Je me rappelle la première fois quand je suis arrivé pour l’essai. C’était directement pour un jouer un match dès le lendemain. Je ne sais plus si c’était contre une D5 ou une D6, mais le stade était plein. Il y avait une ambiance… ça chantait de partout. Je connaissais ça à la télé, mais le vivre en vrai, c’est autre chose. Quand je jouais à Drancy, il devait y avoir 600-800 personnes maximum. Là, il y avait peut-être 5000-6000 personnes. En D5, c’était fou. »
Et finalement, après 2-3 mois, l’expérience a tourné court. Racontez-nous ce qu’il s’est passé ?
« On ne s’est pas entendu sur le contrat. Ce n’était pas clair. A la base, je devais signer un contrat aspirant, un peu comme en France, d’un an. On s’était entendu sur les modalités, mais ça traînait. J’avais quand même commencé à jouer, mais à un moment il y a eu une brouille. Au final, la somme indiquée dans le contrat n’était pas celle convenue, c’était devenu un contrat amateur. Je n’avais aucune garantie. Du jour au lendemain, s’ils ne voulaient plus me payer, ils pouvaient. Je n’étais protégé de rien. Ils ont sûrement vu que j’étais jeune, et ils ont peut-être essayé d’en profiter. C’était compliqué de rester dans ces conditions. J’ai refusé de signer. Mon pote Claudio lui l’avait fait. Mais lors d’un match, quasiment au même moment, il a pris un carton rouge, et l’entraîneur a pété les plombs. Il l’a viré et ne voulait plus de joueurs étrangers dans le club. J’étais arrivé fin juillet, je suis resté jusqu’en novembre. Tout avait bien commencé et tout s’est mal terminé. »
Avez-vous des regrets sur la tournure de cette expérience ?
« Un peu. Si on était tombé d’accord, ça aurait pu mieux se passer. C’est dommage que ce soit fini comme ça, ça aurait pu être une aventure encore plus formidable. Après, c’était quelque chose à faire. J’avais 19-20 ans, j’avais toujours voulu bouger, c’était l’occasion de vivre une petite expérience à l’étranger. Il fallait la faire, au pire, je serais revenu en France. Ça a été 5-6 bons mois. Mais j’ai vraiment bien été intégré, le niveau de travail et d’exigence était très haut. Même si c’était dur physiquement, j’aimais bien cette nouvelle façon de bosser, avec des entraînements de gym, de boxe etc. Un travail spécifique pour chaque poste. Mais je n’ai pas de regrets profonds, au final la suite a été intéressante aussi. Si c’était à refaire, je le referais pareil. Aujourd’hui, je ne partirai peut-être pas sur un coup de tête comme à l’époque où j’étais parti sans réfléchir, mais c’était le moment de le faire. Bon même si derrière, je me suis blessé au poignet, j’ai eu un début de pubalgie et qu’au final, ça a été une année bien pourrie (rires). »
Justement, quelles leçons avez-vous retenu de cette aventure anglaise ?
« Ça m’a apporté une grande confiance en moi. Quand tu es tout seul dans un pays que tu ne connais pas, tu ne peux compter que sur toi-même. Il faut un gros mental. Il fallait déjà avoir un mental pour partir, mais pour y rester aussi. Je pense que mentalement et physiquement, je suis revenu différent. Plus musclé, plus tracé, plus gainé. Et puis, là-bas, j’ai pu continuer mes études. J’ai fait des cours à distance en langues. Je continuais au cas où, on ne sait jamais ce qui peut se passer. Quand je suis rentré en France, je comprenais les séries, j’arrivais à dialoguer en anglais. Au moins, même si ce n’était pas la meilleure expérience, j’en ai retenu quelque chose. Tout ça m’a servi. »